La pub, comme certains l’appellent encore, c’est quand une marque s’incruste dans le quotidien d’une personne (qui ne nous a rien demandé ou pire, qui méprise la « réclame »). Ce n’est alors plus la glace que cette marque doit briser, mais carrément un iceberg – faute de quoi elle coule à pic dans un océan d’indifférence.

Briser la glace mais pas les bonbons

Une bonne pub, c’est « se pointer avec du champagne dans un endroit où t’es pas du tout invité et où les gens se disent: Ah franchement le mec il est cool, il a amené du champ’ » nous explique G. Mohammed-Chérif, le taulier de la french réclame. Voilà qui explique la propension de son agence Buzzman à attirer l’attention et la sympathie, avec audace et panache (puis une flopée d’awards et de clients par la même occasion).

Fan qui rit, à moitié dans ton lead?

Il se raconte que l’un des vecteurs les plus efficaces pour briser la glace, c’est l’humour. Ce n’est pas Johann Schneider-Ammann qui nous dira le contraire:

En esquissant un sourire sur les babines de sa proie, la marque chasseresse tire un trait direct vers son cœur. Sans surprise, la flèche de la rigolade est souvent piochée dans le carquois des créatifs.

Le rire est un outil puissant dans la publicité pour créer une connection émotionnelle avec son public et rendre un message publicitaire plus mémorable.

D’après une étude réalisée la même année par McCann, 72% des consommateurs sont plus susceptibles de se souvenir d’un film publicitaire qui les a fait rire. Les publicités comiques ont également un plus grand potentiel viral. Faire rire ses clients, la part critique d’une relation authentique?

Au début des années 1990, le grand Philippe Michel nous décrivait le rire comme « une secousse tellurique fissurant les édifices qui structurent des certitudes […] et endommageant les chemins que l’habitude et les conventions ont tracés. Raison pour laquelle le rire et l’humour sont utilisés par ceux qui veulent se mettre en posture de séducteur: le dragueur et le publicitaire ».

À commencer par moi-même. J’adore l’humour, je suis animateur certifié du Yoga du rire et il se pourrait même que bientôt, vous m’aperceviez sur une scène de Stand-up (#teasing #autopromo #chuipasprêt). Avec plus ou moins de finesse, je préconise volontiers le « faire (sou)rire » dans les créations de l’agence.

Pour créer l’intérêt autour d’une publicité, certains suggèrent de la traiter comme un divertissement. De la rendre « fun ». Donc drôle… Jetons un œil à la grille des plus puissants entertainers du 21ème siècle: Netflix, Prime, Hulu, Disney+, Arte (ou PlaySuisse et Kavea si vous préférez consommer local). Le rire n’y est pas le seul ressort: d’autres leviers existent pour susciter l’adhésion, comme le romantisme, les larmes, le sexe, la violence et même la peur (souvenez-vous l’été dernier…).

Si l’humour n’est pas le seul levier, quand faut-il l’activer? Et surtout, quand est-il efficace?

Enfin, le rire est une chose terriblement subjective et drôlement complexe: il varie d’une personne à l’autre selon son vécu, sa sensibilité, sa culture, son sens de l’ironie. Ainsi, ce qui peut faire rire une personne peut ne pas avoir le même effet sur une autre. L’une se poile, l’autre s’offense: avec des répercussions possibles sur la réputation d’une marque.

Un flantastique flan tactique

Des fois, on peut se demander si l’humour ne vient pas raccommoder une créa peu inspirée. Voire s’il ne pénalise pas la transmission du message. Regardez plutôt:

Après trois relectures, je comprends enfin qu’on fait référence à un « îlot » de cuisine (OK, j’étais peut-être pas dans mon assiette 🤭).

Quel objectif poursuit l’humour dans ce cas de figure? Pour la réponse, je passe en mode E.E.N.R.O.C.V.S. (Et-euh-non-rien-oublie-ça-va-sinon). Plouf, le message coule sans toucher. Et on pourrait même franchement l’envisager comme une tentative de mettre de la pommade sur un brief dénué de traduction créative (ça reste entre nous hein!).

Les 10 commandements du rire en pub

Je vous vois venir avec vos questions: À quel moment la magie du rire opère? Quand l’humour apporte-t-il une plus-value dans l’opération publicitaire? Quels sont les types d’humour? Quand et comment les utiliser pour doper l’impact publicitaire? Et pourquoi… Taisez-vous! On se calme, sivouplé. Je vous ai préparé une taxinomie de feu de Dieu, rien que pour vous. Non exhaustive, évidemment (si vous restez sur votre faim, retranchez-vous sur l’une de ces compilations des pubs les plus drôles du mois, de l’année ou du siècle).

#1 L’humour H.H.T.C.

L’objectif: déclencher un « Ha Ha T’es Con » de la part du destinataire (je connais bien). Une seule règle à suivre: plus c’est con, plus c’est bon.

  • Atout principal: plus simple est la blague, plus immédiate sera la réaction. C’est aussi l’occasion de placer que lorsqu’il faut expliquer une blague, c’est qu’elle est ratée.
  • Point d’attention: brandissez le gouvernail zygomatique d’une main ferme, au risque de sombrer dans le discrédit de votre marque.

#2 L’humour sapiosexuel

Ainsi, K.I.S.S. ne reviendrait pas à imaginer que son public ne pourrait pas vider l’eau d’une botte même si le mode d’emploi était sur le talon? J’aime cette idée.

  • Atout principal: l’un des rares à passer dessus la ceinture. Il peut plaire aux personnes aimant être stimulées intellectuellement.
  • Point d’attention: évitez de planer trop haut pour que le franc tombe dans les 3 secondes d’intérêt qu’on peine à générer chez le destinataire

#3 L’humour T’as la ref?

Qu’il s’agisse d’un newsjacking bien orchestré ou un clin d’œil à la pop culture, il s’agira de s’assurer que le public ciblé aie bien la référence culturelle en tête.

  • Atout principal: faire rejaillir sur la marque la sympathie de l’objet cité.
  • Point d’attention: s’assurer que la cible dispose des références et des codes pour intégrer et apprécier le message. De plus, la durée de vie de votre message est dépendante de celle de l’objet cité.
À l’époque du scandale des lasagnes Findus

#4 Le bon vieux jeu de mots

Là on est sur mon péché mignon. On pourrait détailler les différentes façons de former un jeu de mots (troncation, substitution, aphorismes, homophones, paronymes, néologismes et autres calembours…) mais c’est pas l’objet de ce papier qui adopte une vue hélicoptère.

  • Atout principal: créer une relation ludique avec le destinataire et l’impliquer puisqu’il contribue à décrypter une partie du message.
  • Point d’attention: rester compréhensible et trouver le bon équilibre entre trop évident et trop perché. N’oublions pas également de se questionner sur la pertinence du jeu de mot au détriment de la transmission du message.

#5 L’humour par l’inattendu

Quand on ne s’attend pas à ça d’une pub ou d’un annonceur…

  • Atout principal: créer l’étonnement et voir l’audace forcer l’admiration.
  • Point d’attention: éviter de déstabiliser les client·es de la première heure.

#6 L’humour beauf-bof

Sexisme, régionalisme, sarcasme, racisme… Des ressorts basiques qui occupent une grande place dans l’humour, souvent avec peu de panache.

  • Atout principal: s’appuyer sur des ressorts éprouvés qui sont autant d’autoroutes du rire.
  • Point d’attention: un exercice périlleux qui peut voir votre marque s’engluer sur un terrain où les retours de flammes peuvent lui faire du tort. D’ailleurs, l’exemple ci-dessous fait mentir la ligne « GIFI des idées de génie ».

#7 La blague à Toto…

…ou à tonton Claudy. Vue et revue: on n’en peut plus.

  • Atout principal: l’effort mental à fournir pour le destinateur (et pour le concepteur) est minime.
  • Point d’attention: si vous mangez à la table de l’infobésité, gare à l’indigestion. Dans l’exemple ci-après, la marque M Budget semble avoir accordé un XS Budget au copywriting:

#8 L’humour absurde

L’absurde a cet étrange pouvoir de déconnecter l’esprit logique et de fait sauter les fusibles de la raison.

  • Atout principal: s’il est bien manié, l’absurde est idéal pour faire lever le bouclier anti-pub de votre cible. Il détonne dans la jungle des messages concurrents et son originalité en fait un objet plus mémorable.
  • Point d’attention: tout le défi est de rester accessible à l’audience ciblée.

#9 Le comique de situation

La recette est intemporelle: planter le décor, arroser d’un retournement de situation et laisser les rires éclore.

  • Atout principal: intriguer, c’est allonger le temps d’exposition à la marque. Plus l’intrigue est haute, plus la chute est lourde.
  • Point d’attention: une fois l’attention captée, vous avez le pouvoir de retourner la situation à votre avantage… ou de vous prendre un bon gros bide. Qu’il soit fin ou lourdingue, l’humour reste un art délicat. N’oubliez pas le principal: le message à véhiculer.

#10 L’humour borderline

L’humour noir saute les deux pieds dans le plat des sujets sensibles, mettant le feu aux rigolades, ou aux poudres (selon l’habileté d’exécution).

  • Atout principal: placer le destinataire dans un ascenseur émotionnel pour mieux faire voler en éclats le spam mental du destinataire.
  • Point d’attention: l’atterrissage doit être maîtrisé sous peine de laisser un arrière-goût amer aux passagers.

Faut-il prendre l’humour au sérieux?

Peut-on vanter les mérites d’une assurance dentaire avec un croque-mort comme égérie? Peut-on sensibiliser les diabétiques aux IST avec des capotes aux fraises? Une blague c’est comme un message publicitaire: elle doit tomber au bon endroit, à la bonne personne et au bon moment.

Je pense que la marque ne devrait pas revêtir le rôle de comique à chaque prise de parole. On l’a vu, il existe d’autres câbles que l’humour pour se connecter émotionnellement à sa cible: lequel est le plus pertinent pour mon action de communication? L’annonceur veillera aussi à placer ses billes humoristiques au bon endroit: au cœur de son positionnement et/ou dans des campagnes capillaires plus éloignées de son identité première. Je conseille souvent un dosage de l’humour plutôt orienté vers une sympathie intellectuelle, sans aller dans une boutade continue qui pourrait entamer la crédibilité de la marque.

Une heureux constat entre publicité et humour: on y trouve autant d’insights que dans un tube d’Orelsan. Il s’agit ainsi de cultiver ses sources d’humour et ne pas croire qu’au sien. Puis tester, et surtout, vérifier la compatibilité de votre vanne avec son destinataire.

Dans l’arène médiatique se succèdent les clowns, dramaturges, coaches de vie, autoritaires, mélomanes, standuppers et autres drôles d’oiseaux. Parfois, une marque est toutes ces personnes à la fois. Un peu comme ses consommateurs, à vrai dire.

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